i can feel the thunder





TW

ft  @Tobias Mayfield


I can feel the thunder that's breaking in your heart, I can see through the scars inside you.


Même après tout ce temps, elle savait.
Même après tout ce temps, les mêmes gestes, elle répétait.
Même après tout ce temps, les mêmes souvenirs lui revenaient.

Aujourd'hui, le regard dans le vague, perdu loin, très loin, elle avait quitté le travail sans même dire aurevoir à ses collègues. Toute la journée, elle avait été présente et aimante, mais toute la journée elle avait été différente. Ses pensées s'étaient envolées, elles avaient erré, divagué. Maintenant qu'elle avait quitté ses responsabilités, il n'y avait que lui dans ses pensées.

Elioth.
C'était aujourd'hui.
Cela faisait seize ans aujourd'hui. Seize ans et, parfois, la plaie béante de son absence semblait encore à vif. Seize ans et une journée ne passait pas sans qu'il n'effleure ses pensées au moins une fois.
Mais la jeune femme savait, que dans les dédales du District, quelqu'un le pleurait encore plus qu'elle. Quelqu'un étouffait, refoulait sa peine et était devenu un spectre, l'ombre de lui-même depuis presque vingt ans. Et elle savait qu'elle devait l'encourager, le forcer, à bouger un peu. À sortir de sa torpeur qui n'en serait que plus profonde, en ce jour funeste où les souvenirs le prenaient à la gorge.
Le père de l'infortuné. Son oncle. Tobias.

Joan rentra chez elle rapidement, à la maison familiale, espérant qu'elle l'y trouverait, même si elle en avait fortement l'impression.
Elle aurait été surprise qu'il soit sorti aujourd'hui. Mais peut-être pouvait elle se tromper.
Avant d'aller toquer à sa chambre, elle lui avait rapidement fait des nouilles instantanées. Si elle ne savait pas à quoi s'attendre lorsqu'elle croiserait son regard, elle aurait été prête à parier qu'il n'avait pas mangé. Elle amena deux bols, qu'elle avait posé sur un plateau et lui rendit visite, frappant trois coups, glissant sa voix douce dans l'embrasure.
« Tobes ? C'est moi. Est-ce que tu pourrais m'ouvrir ? Je t'ai amené à manger. »
Elle n'insista pas plus, pour l'instant. Elle se laissa lentement glisser le long de la porte et s'assit par terre, attendant qu'il ouvre, ou qu'il lui réponde, les plats sur les genoux. Un soupir se glissa entre ses lèvres, alors qu'elle chassait ses propres pensées. Ses propres souvenirs. Ses propres inquiétudes.
Elle pensait qu'Elioth lui manquerait pour toujours et elle s'inquiétait pour son oncle qui était encore plus proche, qui était encore plus affecté. Qui, même si, elle, un jour, s'en remettait, n'y arriverait peut-être, de son côté, jamais.
Avant que le temps ne passe trop, elle lui adressa à nouveau quelques mots.
« Je reste juste devant, je t'attends. On peut manger et ensuite nous irons faire un tour au bar, changer d'air un peu. »
Ses choix, ses propositions, n'étaient pas anodins.
Elle savait.
Elle comprenait.
Elle avait mal, elle aussi.