Invité
Elle ne sait pas vraiment depuis combien de temps elle marche, Taeri. Ses pas l’emportent au travers du passage sans qu’elle n’ait vraiment à y penser, entourée d’autres médecins qui ont passé leur journée à aider les habitants de Forest Hill. Sa marche n’est pas vraiment naturelle, tangue vers la droite sous le point du pistolet qui habite sa hanche. Une arme qu’elle parvient à manier sans trop de difficulté, bien qu’elle n’y touche normalement que lors du service militaire annuel. Elle n’a jamais porté une telle arme aussi longtemps et le bleu qui s’est dessiné lors de son voyage allé ne fait que s’assombrir. Malgré tout, c’est presque comme si elle ne fait pas attention a la douleur, comme si chaque pas n’était pas un enfer. Son esprit est ailleurs, alors qu’elle ne suit le chemin jusqu’au district que grâce a la foule qui l’entoure. Plus que l’enfant qu’on lui demande de sauver, c’est l’absence qui pèse lourd.
Taeri n’a pas pu découvrir tous les coins de l’ancien district. Surprise par la verdure et le calme entre leurs murs, elle n’a pourtant vu que quelques bâtiments, n’a parlé qu’a quelques personnes. Professionnelle, la plupart de ses mots ont été précis. Et pourtant, elle s’est permise de pousser les limites de ce qu’on pouvait attendre d’elle. Danai. Le nom a été prononcé doucement, avec attention, comme s’il ne s’agit pas de son enfant, de cette fille qu’elle a aimée plus que l’homme qui a refusé d’être son père. Le nom se doit d’être connu, elle en est certaine. Parce que c’est vers le nouveau monde que Danai s’est échappée, la verdure dont elle a toujours rêvé. La mère ne s’attendait pas à des retrouvailles lors de ce premier jour, consciente que ce monde qui est le leur ne l’aurait probablement pas permis. Mais elle ne s’attendait pas non plus au silence qu’elle a reçu. Le nom de Danai n’est pas familier. Étranger a cette communauté qui se doit pourtant d’avoir une idée de chaque personne qui la traverse, le nom semble ne rien vouloir dire. Pas de doute dans l’esprit de ceux qui ont répondu à ses questions, pas même malgré les difficultés qui se sont heurté au groupe cette année. Elle aurait aimé qu’ils en aient, des doutes. Parce que ceux qui ne sont pas les leurs sont donnés à la mère. Elle doute, Taeri. Elle doute de quelque chose qui aurait dû être une certitude.
L’arrêt soudain du convoi la surprend, perdue dans ses pensées. Elle reste silencieuse, ne grimace même pas lorsque les peacekeepers la testent. C’est presque si sa peau est habituée à cette courte douleur, tout comme son regard est habitué à la lueur rouge qui illumine le scanner. Une des anciennes recrues de Pildo lui offre un hochement de tête poli auquel elle répond alors qu'elle lui offre l'arme qui n'a jamais vraiment été la sienne. Et la voila de retour dans ce monde qui semble avoir toujours été le sien. Elle ne manque pas l’air et la verdure, ni même le calme du royaume au-delà du passage. Les lourds sons du district lui sont familiers, s’accrochent à elle avec une certaine nostalgie. Elle aimerait pouvoir s’éloigner, trouver sa demeure et s’y perdre la, donner le temps a son esprit de comprendre ce qu’il vient d’apprendre. Mais la silhouette qu’elle manque de bousculer l’en empêche.Jannah, qu’elle offre sans même réfléchir – qu’elle regrette presque immédiatement. Ce n’est pas qu’elle ne veut pas la voir, qu’elle ne désire pas sa compagnie. C’est qu’elle lui en a parlé. C’est qu’elle s’est prise à partager son excitation. Comment pourrait-elle lui faire part de ses propres doutes ? Comment pourrait-elle risquer de briser ses propres espoirs ?Qu’est-ce qui t’amène ici ? Le ton se veut calme et polis, doux comme il l’est toujours avec elle. Elle qui aurait pu être sa belle-fille – qui l’était, peut-être, un instant durant.Si Ford t’a envoyé pour trouver quelqu’un, je n’ai pas vu de groupes après nous, tu risques d’attendre un moment. Taeri fait tout pour que la conversation se tourne vers Jannah, tout pour qu’elle ne risque pas de se retrouver sur elle et les doutes qu’elle ne parvient pas à dissimuler dans le fond de son regard.