Invité
Les jours ont passé depuis cette scène surréaliste dans leur havre de paix. « Les jours ». Certains jugeront que trois jours n’ont rien d’alarmant et que l’humeur de plus en plus exécrable de Minjun n’est en aucun cas justifiable par la durée du silence qu’Hikari et lui entretiennent. Et pourtant, au vu de leur relation, c’est un énorme trou dans leur communication. Certes, leurs emplois du temps ne leur permettent pas de se voir tous les jours, ou en tous cas de se poser pour discuter ou s’adonner à d’autres activités ne nécessitant pas l’usage de la parole. Mais ils se croisent, au Peacekeeper Centre, y travaillant tous les deux. Ils se tapent dans le poing le matin, se saluent de loin, s’envoient une ou deux remarques quand ils se voient dans un couloir. Cette fois, rien. La fierté a été écorchée, et c’est pour cela qu’il ne fera pas le premier pas. Le soldat aime avoir raison et le dernier mot, et pourtant, sa prophétie ne semble pas se réaliser. Son ami semble encore plus entêté que lui, pour une fois. Et cela lui déplaît profondément. Car le vendredi approche sans qu’il ne vienne le voir, sans qu’il ne lui indique avoir changé d’avis. Et il est de plus en plus intenable. Il avait décidé de jouer à la loyale. Mais pourquoi le ferait-il, quand l’autre homme semble avoir décidé de bafouer toutes les règles ? Ignore-t-il qu’il est bien plus fort à ce petit manège ? Il va le lui rappeler rapidement. Le plan est échafaudé en moins de temps qu’il ne faut pour dire « machiavélique ».
Et il commence par séduire une des nouvelles recrues de façon ostensible et publique, le jour en question, quittant le centre en lui donnant une tape sur le postérieur, au vu et au su de tous. Et de reparaître le lendemain matin, avec l’air beaucoup plus détendu que pendant tout le reste de la semaine. En arborant une constellation de marques violacées sur le côté droit de la gorge. Aucun effort n’est évidemment fait pour les dissimuler, bien au contraire. Et les remarques ne manquent pas de fuser, remarques auxquelles il répond, étant bien loin d’être timide sur le sujet. Quelques détails sont donnés, suffisamment pour alimenter des rumeurs, qui, il n’en doute absolument pas, reviendront aux bonnes oreilles. Il suffit de connaître l’échiquier pour être le maître du jeu. Et cela fait des années qu’il excelle en la matière. La provocation ne sera pas directe. Parce que ce ne sera pas lui qui craquera. Ce sera l’autre.
La matinée se passe sans heurts, du confort de la salle de contrôle qui est officiellement son territoire. Il est finalement l’heure de déjeuner, et il sait qu’il va finalement ouvrir le score. L’emploi du temps d’Hikari n’a, depuis le temps, plus le moindre secret pour lui. Et il arrive en avance, en même temps que deux de ses « proches » qui se sont déjà posés sur un banc, l’interpelant immédiatement :Nice tattoo! I heard the new kid is talented, didn’t picture him for an artist. Les rires sont gras et Minjun se passe la langue sur les dents, juste sous les lèvres. L’endroit n’est pas excessivement bondé et Michael a la voix qui porte particulièrement bien.People can surprise you. You just have to let them. Worth going for seconds? Who knows, est déclaré d’un air mystérieux, repérant sans mal la silhouette qui l’intéresse du coin de l’œil,I have some free time these days. On lui tape dans le dos et il se dirige vers le self-service, où il va récupérer son plateau et ses rations pour le repas. S’il y arrive juste avant quelqu’un d’autre, ce n’est pas une coïncidence. Et il ne lui adresse même pas un regard, semblant s’intéresser à ce qu’on leur sert, trois personnes devant lui. Le fait qu’il penche la tête, exposant son cou est évidemment calculé. Tout comme le fait qu’il porte, avec son uniforme, un bonnet bordeaux, duquel dépassent des mèches visiblement non coiffées de ses cheveux, passés au blond la veille. Un changement lui a coûté quelques tickets. Plus que bien dépensés, si vous voulez son avis. Si, comme il le pense, tout ceci a l’effet escompté. Mais il ne se trompe pas. Jamais.
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