Invité
Lose myself
april 2033, one hour before curfew
@Hikari Campbell
La balle rebondit contre le mur défraîchi. L’éclair de couleur vive est toujours incongru, dans ce décor sordide, mais il en fait désormais intégralement partie. L’objet atterrit dans les mains de son propriétaire qui le fait tourner entre ses doigts, un léger rictus aux lèvres, avant de le renvoyer. Le mouvement est hypnotique et n’a pas son pareil pour le détendre. Comme tout ici. Le jouet de nouveau en main, Minjun lance un regard vers le pan abattu, qui lui donne une vue imprenable sur la ville. Cela fait des années que cet endroit est son royaume, observatoire parfait duquel il domine les rues, encore plus sûrement que quand il y patrouille, son arme à la main. C’est leur domaine, qu’ils partagent depuis qu’ils sont tombés dessus. Ça, et bien davantage. La pensée rend le sourire un peu plus intense, le teintant d’interdits en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Le Peacekeeper se laisse aller en arrière, sa tête trouvant l’accoudoir du canapé, les pieds l’autre. Hikari ne devrait plus tarder. Il a vérifié, aujourd’hui, que le planning de son ami n’a pas changé, ce qui aurait mis à mal leur rendez-vous. Ami. Sa langue passe sur ses dents alors qu’il reprend son petit jeu, mais sur le pan de plafond encore en place, cette fois. Il ne pense certainement pas à tous ses amis avec la même intensité. Mais il est également vrai qu’il pense régulièrement à d’autres de cette manière. Sa jambe droite s’étire, essayant de chasser une crampe qui menace. Ce n’est pas le moment, très clairement. Leur dernière rencontre a été reportée à cet après-midi, empêchée par un raid qui a duré plus longtemps que prévu. Et si l’action en elle-même ayant été plus que satisfaisante, même si elle n'a rien mis en lumière en matière de terrorisme, le priver de son rendez-vous préféré n’est pas conseillé pour arranger son humeur. Et le Jeon est connu pour être d’humeur massacrante assez régulièrement. Surtout s’il ne voit pas son complice.
Qui est en retard. Ce n’est clairement pas son genre, plutôt à cheval sur ce genre de détails. Un coup d’œil à sa montre entre deux rebonds. Cela ne fait que deux minutes, mais dans l’échelle Hikari, c’est déjà trop. Ils sont tous débordés ces derniers temps, c’est une certitude. Mais à part une urgence vitale, ils ne manquent jamais une de leurs entrevues. Elles sont précieuses. Un claquement de langue agacé lui échappe alors qu’il se rassoit, posant la balle à côté de lui. Ce ne sont que quelques minutes de retard, il n’y a pas de quoi en faire un plat. Et pourtant, il y a quelque chose qui pointe, sous l’impatience et la détestation du simple fait d’attendre. Quelque chose qui n’est pas sans rapport avec les derniers événements, même s’il refuse de l’admettre. C’est ridicule. Il y a un bon nombre de leurs adelphes d’armes qui murmurent, qui ne se déplacent plus jamais seuls. C’est grotesque. Il se lève, fait quelques pas, les mains dans les poches. Ils représentent l’ordre. Rien ne peut leur arriver. Ils sont entraînés et … et quelque chose se dénoue quand il entend un écho dans la cage d’escalier. Il reconnaît le pas sur le béton sans avoir besoin de plus de confirmation. Sans faire attention à ses épaules, soudainement moins tendues, il repart s’affaler dans le canapé, une jambe tendue, l’autre repliée. Une main passe dans ses cheveux et l’autre récupère sa prise de guerre pour la lancer contre le parquet, dans un timing qu’il sait parfait : «Finally. What took you so long ? » Il y a quelque chose de l’ordre du reproche, dans la complainte qu’il adresse d’une voix traînante à celui qui apparaît. Prince sur son trône, il récupère le bonnet qu’il a porté toute la journée qui est sur le dossier, le faisant tourner sur son doigt : «I’m tired of the black one, gimme yours. » Le couvre-chef bordeaux d’Hikari est la cible de son avidité. Le soleil n’est pas encore en train de décroître et c’est la pleine lumière qui baigne les traits de son ami. Le jeu d’ombres est toujours aussi parfait. «And come here. I was bored, here on my own. » Et pour quelques minutes volées, l’impression de solitude allait disparaître. Enfin.
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